accueil > Extrait de la pièce
EXTRAITS
Une pièce transformée en hôpital.
Le docteur Suza, Zéla et une infirmière.
Par la fenêtre, on voit le docteur recoudre un blessé.
Zéla l’assiste. Xénos est assis sur le perron, il fume.
DOCTEUR
Mouche, mouche !!!
L’infirmière chasse les mouches. Puis détourne son regard.
ZÉLA
Il n’a plus de pouls. Ne lâche pas ! Ne lâche pas !
DOCTEUR
Zéla, je ne suis pas sûr qu’il t’entende.
ZÉLA
On ne sait jamais.
SANDRA FANTOME
Quel est ce projectile qui s’élance dans la nuit ? Je le vois grossir dans les yeux de Aris. Vite Sandra enfourche la lumière et rattrape la mort. Il n’est pas écrit que doit mourir cet homme.
Elle sort
DOCTEUR SUZA
Tout ce qu’il lui reste de force est dans son esprit. Putain « mouche » j’ai dit !!! Zéla tiens-moi la pince. Presse plus fort surla plaie. (En Allemand) Qui pourra témoigner de tant d’horreur?
ZÉLA
(En Allemand) Toi. Il faudra que tu racontes tout ça.
DOCTEUR SUZA
(En Allemand) Pour l’instant je veux le recoudre.
ZÉLA
Et la septième balle ?
DOCTEUR SUZA
Il faudra qu’il vive avec.
Bétadine. Vas-y verse encore.
INFIRMIÈRE
Lui, je le connais il ne mérite pas qu’on le soigne.
DOCTEUR SUZA
Putain mouches j’ai dit ! Continue d’éventer. Je ne te demande pas s’il mérite de vivre ou pas, je demande de l’air en mouvement. Ciseau. Zéla coupe-moi ce fil. Tiens-moi la pince. Quoi qu’il ait fait, il reste un homme. Tire bien. Encore trois points et j’ai fini.
ZÉLA
Il a l’apparence d’un homme mais sa conscience est repue d’horreur.
DOCTEUR SUZA
Moi, je soigne les corps pas les consciences. Éponge. Non pas mon front, le sang. A côté.
La lumière disparaît
(En Allemand) Putain de merde. J’ai besoin de lumière.
ZÉLA
Xénos !
XÉNOS
Je suis là.
ZÉLA
Le groupe a encore lâché.
XÉNOS
Je sais, j’ai déjà envoyé une de mes gars.
ZÉLA
Il nous faut de la lumière.
XÉNOS
Tiens, prends ma torche.
ZÉLA
Viens nous aider.
XÉNOS
Je préfère rester dehors.
ZÉLA
Xénos, je t’en supplie.
XÉNOS
Je ne dis rien. Fais ce que tu dois.
ZÉLA
Nous sommes obligés de le soigner.
XÉNOS
Et moi, qui va m’obliger de rentrer ?
ZÉLA
Personne Xénos. Personne ne va t’obliger à rien. J’ai failli oublier que tu étais un homme comme les autres.
XÉNOS
Tu sais qui est cette ordure. C’est lui qui a mis les femmes Illyriennes sur la marché, c’est lui qui les a vendu comme de la bétail. Si je ne le tue pas, c’est pour toi.
ZÉLA
Ah parce que c’est une faveur que tu me fais ?
XÉNOS
Quand on l’a récupéré il avait des oreilles coupées dans les poches de sa treillis. Il y avait encore les boucles d’oreilles.
ZÉLA
Je suis médecin.
XÉNOS
Et moi je suis Illyrien.
ZÉLA
Tu es le père de nos enfants
DOCTEUR SUZA
(En Allemand) Elle vient cette lumière ?
XÉNOS
Qu’est-ce qu’elle veut ?
ZÉLA
De la lumière.
XENOS
Ça fait dix ans qu’on est pris dans les ténèbres et elle, à peine arrivée, elle réclame de la lumière ?
ZÉLA
Ça fait 7 mois qu’elle est là et elle n’était pas obligée de venir.
XÉNOS
Bienvenue aux pays de la ténèbre.
ZÉLA
Tu viens ?
XÉNOS
Non Zéla. Je n’entrerai pas et je ne t’aiderai pas à le sauver.
ZÉLA
Oublie un instant qui il est.
XÉNOS
Je ne sais pas oublier et je ne veux pas apprendre.
ZELA
Alors reste ici à finir ta cigarette. Laisse ta femme se débattre seule. Laisse-la en tête à tête avec ce que l’humanité a produit de pire. Je te remercie de ne pas le tuer. Mais dis-toi bien qu’un jour tout cela finira par finir. Et si nous en sommes dignes, il nous faudra renaître sous les paupières de nos enfants.
XÉNOS
Où sont-elles nos enfants, pourquoi vivent- elles loin de nous, dans les montagnes ? Pourquoi grandissent-elles loin de nos bras, loin de nos yeux, loin de nos caresses? Je ne rentrerai pas dans cette pièce faire la lumière sur les blessures de cet salaud.
ZELA
Mon devoir est de le soigner. Fais-moi fumer.
« Dans ta maison l’hôte, fusse t’il ton pire ennemi, est un messager céleste.…
XÉNOS
Tu l’accueilleras et la protégeras comme si elle était ta mère et ta père réunis. » Je sais, je connais cette loi. Mais aujourd’hui elle ne tient plus.
ZELA
Tu étais un esprit noble.
XÉNOS
Tu as décidé de le sauver, fais-le.
ZELA
Xénos si tu ne m’écoutes pas, écoute ton cœur.
XÉNOS
J’ai beau vouloir la calmer, ma cœur écume de haine. Elle est comme une chien qui ayant gouté au sang refuse de comprendre. J’ai beau lui jeter les sucres de la loi elle continue de montrer ses crocs et rogne la longe qui la rattache à la raison.
ZELA
Xénos !
XÉNOS
Zéla, Zéla, Zéla, Zéla pose ta main sur ma cœur. Tu vois ? J’ai beau lui répéter ton nom elle ne démord pas. Elle veut du sang ma cœur, Zéla.
ZELA
Alors bats-toi comme je me bats. Xénos, viendra le jour où il nous faudra rejoindre le choeur des hommes et vivre la tête haute. Les yeux plantés dans le regard du monde, il nous faudra renaître en lui.
XÉNOS
Le regard de la monde ? Mais quel monde Zéla, quel regard ? Ça fait des années qu’elle assiste à notre fin. Combien de fois elle nous faudra mourir ? Nous avons crié de toutes nos voix. Les images de notre ville assiégée ont fait le tour de cette monde plusieurs fois. Qui nous a répondu ? Combien de mains se sont tendues? Combien de temps encore nous faudra t’il attendre. Non Zéla, pour nous il n’y a plus de monde. Nous sommes seuls dans cet enfer. Pour nous il n’y a ni dieux ni hommes. Pour nous, c’est la néant.
ZÉLA
Même s’il tarde à se faire entendre. Même si c’est hier qu’il devrait se pencher sur nos deuils et nos cadavres. C’est lui qui à la fin décidera de la clarté de nos sommeils. Le monde. Mon amour regarde-moi. Ce moment est éternel puisqu’il risque de nous détruire tous les deux. Ici, maintenant, si le ciel embrasé nous interdit l’envol, n’oublions pas nos ailes. Elles sont là, à portée de main, à l’abri, rangées dans le coffre de nos enfances. Le jour du jugement suprême, nous les sortirons comme pour un jour de fête et en ferons de glorieux cerfs-volants. Nous prendrons le vent par sa crinière, le chevaucherons jusqu’au nid d’où nous-nous élancions, affronterons sans trembler le verdict des dieux.
Entre Crevette, un jeune homme en arme.
XENOS
Crevette viens me voir. Prend cette torche et va avec Zéla.
ZÉLA
Crevette rentre chez toi. Faire la lumière c’est un travail de femme.
CREVETTE
Bien sûr Zéla. Dis bonjour à madame Nouritsa.