accueil > Note d'intention
Comment, aujourd’hui, hanter la rive noire du Styx ? Et comment, aujourd’hui, emmener avec nous ceux qui ne sont pas des érudits ?
Nous voulons le texte dans sa version brute, sans 19èmisme, sans grandiloquence. Un texte, comme sans doute à l’origine, imaginé pour parler au peuple de la cité. Voilà pourquoi nous choisissons la traduction d’Irène Bonnaud et Malika Hammou, à la fois simple et forte. En un mot, directe.
Nous voulons un plateau de corps violents, de corps vibrants.
Voilà pourquoi nous emmenons nos 6 interprètes dans cet exigeant travail d’entrelacement de la danse et du théâtre, de la pensée et du mouvement. Cet art délicat de la chair et de l’aérien, de l’impulsion du groupe et du corps engagé, ce travail que nous menons depuis Histoire de la violence (E. Louis) et Le corps utopique (M. Foucault), nos deux derniers spectacles, nous le voulons ici décuplé par la puissance d’un chœur dansé.
Déjà nous avons la brutalité du texte, nous avons la force et la beauté des corps en scène. Nous voulons aussi un chœur qui parle aux contemporains.
Au-delà de ce rapport de l’individu à l’État, opposition considérée comme centrale depuis l’analyse d’Hegel entre Créon et Antigone et qui rejoint la question contemporaine de la désobéissance civile, nous avons le désir d’explorer d’autres antagonismes fondamentaux, aujourd’hui toujours actifs : les inconciliables entre les jeunes et les vieux, entre les vivants et les morts, entre l’humain et le divin, entre la norme et le queer et bien sûr, essentiel dans le travail de la compagnie, l’inconciliable entre les hommes et les femmes.
Cette tension homme-femme doit être mise en évidence et pour autant ne pas masquer les autres oppositions si vivantes elles aussi aujourd’hui : en suivant le principe d’une mise à distance pour « pointer », déjà expérimentée dans notre mise en scène du Nanine de Voltaire, nous voulons, dans cette version singulière, proposer le rôle de Créon, ce rôle central, à une actrice, une femme.